Les Retraites par points : comment ça marche ?

Les Retraites par points :
le projet Macron/Delevoye de retraites par points

Ce projet concerne tous les régimes de retraite, fonctionnaires des trois versants (État, territoriale et hospitalière), le régime général du secteur privé et les indépendants. Il consiste en un achat de points pendant les périodes d’activités durant les 43 années avant vos 64 ans. Pourquoi 64 ans car c’est l’âge « pivot » dans le projet de loi, mais dans l’étude d’impact, les exemples sont sur la base de 65 ans. Ce que l’on sait, c’est que si l’on part avant 64 ans (65 ?), il y aura une forte décote et cela quelle que soit le nombre d’années travaillées. Si le gouvernement abandonnait l’âge pivot, le calcul de la retraite se ferait quand même sur le nombre de points achetés, c’est-à-dire sur les 43 années. Ce qui change :

  • pour le privé : ce ne sont plus les 25 meilleures années qui sont prises en compte mais 43 années. Que vous ayez travaillé ou pas.
  • Pour les fonctionnaires : ce ne sont plus les 6 derniers mois mais 43 années et tant pis pour le dernier grade et indice.
  • Mais encore il existe nombre de situations qui ne donneront aucun point !!! :
  • mise en invalidité : pas de point
  • période de chômage : pas de point hors des périodes indemnisées qui sont depuis le premier novembre 2019 très réduites et évoluent encore à la baisse le premier avril
  • maladie : pas de point
  • maternité : pas de point ou peut-être un peu quand même (enfin ça dépendra du contexte économique…), et suppression des trimestres validés du système actuel
  • temps partiel : nombre de points proratisé
  • durée d’études : pas de point (il faut donc avoir commencé à travailler à 21 ans pour cumuler 43 ans à 64 ans)
  • réversion : oui mais droits ouverts à 62 ans au lieu de 55 ans actuellement (retard jusqu’à 7 ans dans les cas les plus dramatiques) et calcul basé sur les revenus du couple.
  • bas salaires : peu de points achetés. À 64 ans, très peu de salariés auront travaillé pendant 43 années à temps complet et sans interruption. Ils seront donc obligés de travailler au-delà des 64 ans, non pas uniquement pour acheter des points mais surtout pour pouvoir subsister. Le montant de leur retraite ne leur permettant pas un revenu suffisant pour vivre. D’autant que la promesse d’une pension à 85% du SMIC (c’est à dire aujourd’hui la limite du seuil de pauvreté) pour ceux qui ont une carrière complète les maintiendra dans la misère.
  • Pour ceux qui auront 43 années d’activité à temps plein, le nombre de points achetés lors des périodes de faibles rémunérations sera de fait réduit et cela générera mathématiquement une baisse du montant de la retraite par rapport au système actuel qui prend en compte les 25 meilleures années (ou les 6 derniers mois pour les fonctionnaires). Pour faire simple, 75 % (50 % du régime général + 25 % avec la complémentaire) de la moyenne des salaires des 25 meilleures années est-il plus important/intéressant que 75 % des salaires de 43 années ? Ou moins intéressant ? C’est un problème auquel beaucoup d’élèves de CM2 sauraient répondre. La valeur du point et son évolution sont inconnues à ce jour (basées sur un indice : le revenu moyen par tête qui n’existe pas aujourd’hui !!!) Pour les fonctionnaires, 75% du salaire des 6 derniers mois est-il plus intéressant qu’un nombre de points achetés sur 43 ans ? En bas de page, le communiqué FO sur cette indexation mystère du point ainsi que le tract commun de CGT, FO et SUD INSEE à ce sujet.
  • La valeur du point : Elle sera fixée chaque année par les partenaires sociaux (tiens donc !) dans une enveloppe budgétaire fixée par l’État en fonction du revenu moyen par tête (ah ! voila les embrouilles et le loup ! Les syndicats seront chargés de faire le sale boulot comme pour l’UNEDIC en 2019). Comme le nombre de retraités va augmenter et l’enveloppe budgétaire non : blocage du financement des retraites à hauteur de 12,8 % du PIB (au lieu de 14% aujourd’hui), c’est soit la valeur du point de service qui devra forcement être réduite, soit la valeur du point d’achat qui sera augmentée, ou les deux… Même si la valeur du point était fixée par la loi, il s’agirait de la valeur de paiement du point, pas de son achat.
    Le gouvernement pourra augmenter le coût d’achat à sa guise en fonction du contexte économique réduisant d’autant le nombre de points. Sur le prix d’achat, il n’y aura aucun cadrage par la loi. Mais quand bien même, il y en aurait un : une loi se modifie. Par exemple, les lois de financement de la Sécurité Sociale sont constamment modifiées comme beaucoup d’autres d’ailleurs.
    Revenons sur la valeur de paiement du point qui serait figée par la loi. Avec l’inflation, il y aura toujours du retard et donc un manque à gagner (les fonctionnaires connaissent très bien ce processus avec la faible augmentation et le gel du point d’indice qui va durer jusqu’en 2022 et qui a engendré une baisse du pouvoir d’achat depuis 2000 de 25 %…).
    Les salariés avertis n’ont pas le choix : soit nous bloquons l’économie maintenant pour faire céder Macron et son gouvernement, soit ça sera la misère pour tous lors de la retraite.

Les confédérations, les fédérations et leurs syndicats ne s’y sont pas trompés en appelant dès septembre 2019 à la grève reconductible et générale à tous les secteurs à partir du 5 décembre.

Pour mémoire, le taux actuel d’emplois des seniors de 55 à 62 ans (seulement 56% d’actifs) est extrêmement faible. L’espérance de vie en bonne santé d’environ 63 ans stagne maintenant depuis une quinzaine d’années et la tendance à la baisse s’amplifie. Ceux qui y verraient l’influence des contre-réformes retraites de 1995, 2003, 2010 et 2013, sans compter les loi travail et ordonnances Macron de 2017, ne se tromperaient sûrement pas beaucoup.

Où se trouve l’argent des retraites que le gouvernement souhaite offrir aux fonds de pensions ?

  • Dans le secteur privé bien sûr, dans le régime général qui couvre 18 millions de salariés
  • Le code des pensions civiles et militaires ne couvrant lui que 4,4 millions de fonctionnaires
  • Les conventions collectives particulières, en ce qui concerne la retraite, négociées avec le patronat. Celles qu’on appelle « les régimes spéciaux » ne couvrent que 400 000 salariés (du secteur privé)
  • Les autres travailleurs : indépendants, agriculteurs, etc… : environ 10 millions.

Pour les retraités actuels : Une fois notre système actuel par répartition détruit, les cotisations sociales prélevées par la Sécurité Sociale et transférées aux retraités n’existeront plus, les retraites devront être versées par l’État et sa caisse universelle de retraite. Dans le projet, il s’agit bien à partir de 2025 d’une caisse unique et universelle des retraites. Ce projet intègre cela, alors tous les retraités actuels verront automatiquement le montant de leur retraites transformé en points permettant d’intégrer les retraités dans le nouveau système à enveloppe budgétaire constante (pas plus de 12,8 % du PIB).

Pour les cas particuliers : Comme le minimum vieillesse, les travailleurs handicapés, les invalides… l’État interviendra en puisant dans l’enveloppe budgétaire fermée (les fameux 12,8 % du PIB à ne jamais dépasser). La solidarité se fera donc par la contribution des retraités, les plus pauvres donc, mais surtout pas, oh non jamais, par les premiers de cordée. Vous avez dit Égalité, Fraternité ? Aujourd’hui 42 régimes existent. Demain, c’est 43 millions (29 000 000 travailleurs salariés et non salariés + 14 350 000 retraités actuels), tous différents, accentuant les inégalités, la pauvreté et l’injustice. Sans aucune solidarité intergénérationnelle. L’État s’accaparant au passage (HOLD-UP) les milliards des réserves des différents régimes (professions libérales comprises : avocats, médecins, kinés, infirmières etc…) pour renflouer les banques et spéculateurs au détriment de l’économie réelle. Ainsi que la quasi exonération de cotisations retraite les très hauts salaires au-delà de 10 000 euros de revenus mensuels, soit l’équivalent de trois plafonds de la sécurité sociale (jusque-là, le niveau était fixé à huit plafonds), qui favorisera la retraite par capitalisation de ces hauts salaires du privé. BlackRock et AXA entre autres ont déjà remercié le gouvernement Macron pour ses contre-réformes (Retraite par points et loi Pacte).

Sur la clause du grand-père : Quels parents, quels syndicats pourraient accepter de sacrifier ses propres enfants ou la jeunesse pour un système qui, de toute façon, permettra au gouvernement actuel et au suivant de réduire le montant de la retraite de tous facilement comme l’avait très bien expliqué aux patrons François Fillon en mars 2016. Et nous pouvons malheureusement faire confiance à celui qui a été le chancre de nos retraites en 2003.

L’Union Européenne exige 12 % du PIB : Le gouvernement indique que l’enveloppe fermée sera de 12,8 % du PIB mais avant la contestation syndicale, le gouvernement souhaitait abaisser cette enveloppe des 14 % actuels à 12 % du PIB pour respecter les directives européennes (les fameuses GOPÉ : Grandes Orientations de Politique Économique) qui l’exigent sous prétexte que tous les pays européens sont à ce niveau. Si la réforme passe, il est sûr et certain que les futurs gouvernements répondront, comme d’habitude, aux injonctions de l’Union Européenne.
2 points de moins représentent 47 milliards d’euros. Pris sur nos retraites, et donc sur l‘économie réelle et non sur les revenus du capital. (Merci au SnudiFO du Gard)

Tract CGT, FO, SUD Insee : l’indépendance de l’Insee n’est pas soluble dans la réforme régressive des retraites

Le débat sur la réforme des retraites s’est animé cette semaine sur la question de l’indexation du point, enjeu crucial qui déterminera l’évolution du montant des pensions.

L’indépendance de l’Insee n’est pas soluble dans la réforme régressive des retraites

Le débat sur la réforme des retraites s’est animé cette semaine sur la question de l’indexation du point, enjeu crucial qui déterminera l’évolution du montant des pensions.

Vendredi dernier, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a annoncé devant l’Assemblée Nationale que la valeur du point serait calculée sur la base de l’évolution d’un « nouvel indicateur » reflétant « l’évolution du revenu d’activité moyen par tête ».

Or cet indicateur n’existe pas. Ni à l’Insee ni dans le reste de la statistique publique.

Le secrétaire d’État affirme que l’Insee devra désormais produire cet indicateur, et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. La méthodologie de cet indicateur échappe ainsi aux statisticiens et économistes de la fonction publique. Le gouvernement ne semble pas connaître la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques qui affirme l’indépendance de l’Insee en matière de conception, de production et de diffusion statistique : « La conception, la production et la diffusion des statistiques publiques sont effectuées en toute indépendance professionnelle »

Mais l’Insee n’a pas à répondre aux « commandes » du gouvernement en matière statistique, lorsque cette commande porte sur un indicateur central dans un projet de loi contesté, un indicateur dont le champ n’est aujourd’hui pas clair, et que tout laisse présumer moins favorable aux futures pensions : en effet, à l’origine l’indicateur annoncé par le gouvernement était l’évolution des salaires. Il serait désormais plus large.

Or, on constate depuis des années que les revenus des fonctionnaires et des non-salariés progressent moins vite que les salaires du privé. En souhaitant intégrer ces revenus supplémentaires, un choix d’apparence technique va donc de pair avec la volonté affichée par le gouvernement de limiter les dépenses en matière de retraite.

En imposant aux parlementaires de voter sur un indice non déterminé, le gouvernement met en place une méthode inacceptable, et fait porter à l’Insee une responsabilité qu’il n’a pas à prendre : construire un indicateur dont le seul but est de baisser le niveau des retraites !

Que le gouvernement utilise des indicateurs existant dans ses textes législatifs est une chose, mais qu’il renvoie sur l’Institut pour donner un cachet de sérieux et d’impartialité à un indicateur opaque dont tout indique qu’il veut le diriger dans un sens négatif pour les futur·e·s retraité·e·s est inacceptable.

Nous, syndicats CGT, FO, SUD de l’Insee réaffirmons haut et fort le principe d’indépendance de la statistique publique. 
Nous dénonçons cette volonté délibérée du gouvernement d’enfreindre ce principe.

Le 13 février 2020