Réforme des retraites : le gouvernement à pas comptés

L’ouverture officielle du chantier des retraites se décale dans le temps. La réforme à venir est d’ampleur et s’annonce complexe. Elle prévoit un bouleversement du système actuel, avec la mise en place d’un régime universel et la refonte de tous les régimes.

Emmanuel Macron devait s’exprimer en mars sur les contours de la réforme des retraites. Le silence radio de l’Élysée n’est sans doute pas étranger aux mobilisations printanières, celles des cheminots et de la fonction publique, qui se sont actualisées le 22 mars par une grève nationale et des manifestations. Cette agitation sociale n’est pas propice à des annonces qui pourraient fâcher davantage les salariés.

Les pouvoirs publics avancent toutefois, à pas comptés, sur le dossier des retraites. Vendredi 30 mars, le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean- Paul Delevoye, était reçu à l’Élysée en présence du Premier ministre et des ministres Agnès Buzyn (Solidarités et Santé), et Gérald Darmanin (Action et Comptes publics).

Aucune annonce n’est sortie de ce rendez- vous « technique ».

La concertation sur la réforme des retraites, qui devait initialement débuter fin 2017, devrait s’engager dans la deuxième quinzaine d’avril et durer jusqu’à la fin de l’année. Le chef de l’État a annoncé un projet de loi pour 2019.

La totalité des régimes seront concernés

Sur le fond, on sait d’ores et déjà que la totalité des 38 régimes de retraite, y compris les régimes spéciaux et les régimes complémentaires, seront concernés par la réforme. Les partenaires sociaux gestionnaires de l’Agirc-Arrco s’inquiètent déjà d’une spoliation éventuelle par l’État des réserves. Le gouvernement n’a pas encore tranché entre un régime par points et un régime en comptes notionnels. Le premier se rapproche dans son fonctionnement de celui de l’Agirc- Arrco, avec l’achat de points grâce aux cotisations, et une pension calculée en multipliant le nombre de points accumulés par la valeur du point, laquelle est fixée par accord national interprofessionnel en fonction de paramètres financiers et économiques.Dans un régime en comptes notionnels, l’assuré cumule dans un compte, pendant son activité, un capital virtuel en lien avec les cotisations ver- sées. Le montant de la retraite est calculé avec un « coefficient de conversion » qui dépend de l’âge de départ et de l’espérance de vie moyenne de la génération de l’assuré. Les régimes par points et en comptes notionnels s’avèrent moins solidaires que le régime en annuités. Les sala- riés avec des carrières incomplètes sont désavantagés. « Nous ne sommes pas persuadés que le but de la réforme soit d’arriver à de la lisibilité et à de l’égalité », indique Philippe Pihet, secrétaire confédéral FO.

Une transition loin d’être évidente

En cas de passage vers un autre système de retraite, que deviennent les droits acquis par le salarié, dans le système actuel, en vue de sa retraite ? C’est là une des questions centrales, à l’orée d’une réforme qui va transformer en profondeur le système. Le Conseil d’orientation des re- traites (COR) s’est penché il y a deux mois, dans le cadre de la réflexion autour de la réforme annoncée, sur « Les modes de calcul des droits et la transition d’un système à l’autre ». La ques- tion « est particulièrement délicate à traiter », constate le COR.

Les problématiques à résoudre varieront en fonction du régime qui sera choisi par le gouver- nement (points ou comptes notionnels), et selon le mode de transition, immédiat ou progressif. Le mode de calcul des droits qui sera nalement retenu aura aussi un impact, ainsi que la durée de la transition.

Il sera nÉcessaire de faire évoluer les applications informatiques.

Dans tous les cas, les « préoccupations » seraient « d’autant plus importantes que le bascu- lement concernerait plusieurs régimes, voire l’ensemble des régimes », prévient le COR.

En cas de transition immédiate entre l’ancien et le nouveau système de retraite, « tout se passe comme si les actifs présents dans le régime à la date de transformation avaient été affiliés au nouveau régime durant toute leur carrière », indique le COR.« L’intégralité des droits acquis dans l’ancien régime sont recalculés et convertis dans le nouveau régime. » Une solution qui pourrait pénaliser les générations proches de la retraite. Aussi le COR préconise-t-il, dans ce cas, d’avoir recours à la méthode dite « des droits acquis ». Autrement dit d’élaborer des hypothèses avec les règles de l’ancien régime en annuités.

Une complexité supplémentaire en gestion

Une transition progressive apporte quant à elle une « complexité supplémentaire en gestion ». Il faudra en effet garder les paramètres de calcul de l’ancien système pendant la période de changement, tout en introduisant les nouveaux.

Quel que soit le mode de transition envisagé, la plupart des régimes, interrogés par le COR, soulignent « la nécessité de faire évoluer les applications informatiques » pour disposer des infor- mations nécessaires au changement. L’ensemble des régimes jugent en outre indispensable d’instaurer des mesures d’accompagnement pour les assurés, en raison des nombreuses questions qui naîtront de la réforme. La transformation de notre système de retraite par annuités, en un régime par points ou en comptes notionnels, s’annonce donc très complexe.

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